XXe-XXIe siècles
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À l’occasion de son bicentenaire, la chambre de commerce et d’industrie de Paris a constitué une équipe de spécialistes, huit historiens de l’économie et deux historiens du droit, pour écrire son histoire des origines à nos jours.
L’ouvrage collectif qui en résulte présente huit chapitres. Le premier examine les raisons de l’absence d’une chambre à Paris au XVIIIe siècle et celles de son " oubli " lors des créations de 1802. Les trois suivants mettent en évidence comment, une fois créée, la chambre de la capitale d’un pays déjà centralisé a joué immédiatement un rôle important et croissant tout au long du XIXe siècle, aussi bien dans les débats économiques généraux que dans le développement de Paris et de sa région. Les quatre derniers chapitres montrent comment elle s’est adaptée à la montée de l’interventionnisme de l’Etat et à l’émergence des confédérations patronales et a inscrit son action, multiple, dans un XXe siècle marqué par les conflits mondiaux, la grande crise, puis l’ouverture européenne et mondiale.
À la croisée de l’économie, de la politique et du droit, l’étude permet d’évaluer une institution prestigieuse quoique méconnue et de revisiter à travers elle un pan de l’histoire de France.
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Les frères Goncourt furent des collectionneurs éclairés de l’art français du XVIIIe siècle et des japonisants fervents. Leur œuvre littéraire gagne à être interprétée à la lumière de leur collection. Dominique Pety examine d’emblée le contexte historique dans lequel la collection se définit au XIXe siècle: au cœur d’un conflit de valeurs, tiraillée entre la richesse et la stérilité de l’ancien, elle révèle l’appréhension d’une époque confrontée à la difficulté de renouveler ses codes artistiques. Les Goncourt entendent conjurer cette angoisse en érigeant la collection, telle qu’elle se déploie dans leur maison-musée, en œuvre d’art supérieure. La bibliophilie qu’ils y cultivent relève de la même démarche. Le livre est une pièce de collection, la bibliothèque un espace essentiel du musée, et la description prolonge dans l’écriture les mécanismes de la collection.
C’est toute l’œuvre des Goncourt qui se révèle finalement tributaire de l’esprit de collection et, à travers eux, l’esthétique réaliste et naturaliste: comme l’histoire, compilation de documents, le roman se mue en collecte d’observations. Mieux, par «l’écriture artiste», le style procède à la mise en forme des données recueillies. Ainsi le formalisme esthétique, caractéristique de l’art du second XIXe siècle, renvoie-t-il au modèle de la collection conçue non plus comme une accumulation, mais comme la composition d’un ensemble unifié, sous l’égide de l’art et selon la règle d’un sujet.
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De tout temps, le nationalisme roumain s’est nourri de références aux traditions paysannes. Le phénomène a été communément expliqué par l’implantation de fortes minorités sur le territoire national. Lorsque les provinces roumaines sont regroupées dans un même Etat en 1921, les minorités nationales représentent en effet 28, 1% de la population totale et 41, 4% de la population urbaine. Après la seconde guerre mondiale, le territoire roumain est ramené à de plus modestes proportions, mais une forte minorité magyare reste néanmoins implantée en Transylvanie. Une clé de lecture semble ainsi se dégager du fait que les autorités poursuivent un objectif d’homogénéisation culturelle, la référence aux valeurs paysannes leur permettant de stigmatiser les minorités implantées dans les villes. L’étude de la mobilisation identitaire antérieure à l’unification du territoire roumain révèle pourtant les limites d’un telle approche : l’enchevêtrement des thématiques nationale et paysanne est observable sans que le statut des minorités n’y fasse encore l’objet d’un questionnement systématique. Elles évoluent dans deux environnements distincts : la Moldavie et la Valachie sont insérées dans l’empire ottoman, tandis que la Transylvanie est partie intégrante de l’empire Habsbourg. Dans chacun des cas, les populations roumaines sont soumises à une tutelle extérieure, tout comme elles sont formées en majorité de paysans. Ainsi deux axes de recherche se dégagent-ils : il convient d’abord de confronter la situation interne à la position externe de la collectivité étudiée, ensuite d’examiner les relations établies entre le sommet de la hiérarchie sociale et sa base paysanne. En croisant ces deux axes, Antoine Roger vise à comparer les différentes occurrences du nationalisme roumain et à en dégager des principes de variation.
Antoine Roger est maître de conférences en science politique à l’Institut d’études politique de Bordeaux. Ses recherches portent sur les comportements politiques en Europe centrale et orientale. Parmi ses publications récentes figurent Les grandes théories du nationalisme (Paris, Armand Colin, Collection " Thema - science politique ", 2001) et Fascistes, communistes et paysans : sociologie des mobilisations identitaires roumaines (1921-1989) (Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2002)
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La valeur de l’État et la signification de l’individu constitue le premier ouvrage de philosophie politique de Carl Schmitt (1888- 1985), dans lequel l’État émerge comme une problématique centrale. Cet essai, paru en 1914, s’insère dans un débat, relatif au fondement du droit, au statut de l’État et à la relation que ces deux entités devraient entretenir. L’argumentation de Schmitt tend à rejeter simultanément les doctrines juridiques positivistes, les théories qui précipitent la fin de la souveraineté étatique et toutes les thèses à caractère individualiste. Avant même d’être politiques, les objections de Carl Schmitt sont de nature méthodologique. La prééminence du droit sur l’État, ainsi que la primauté de la sphère étatique sur l’individu constituent les « résultats » les plus saillants de l’ensemble de ses développements. Dans l’évolution de la pensée politique de Carl Schmitt, La valeur de l’État et la signification de l’individu forme une étape intermédiaire entre les traditions kantienne et kelsenienne de l’État de droit, desquelles Schmitt ne s’est pas encore émancipé, et un certain étatisme, qui s’affirmera dans le concept d’État total, à partir de 1930. Cette œuvre précoce, inédite en français, prépare la voie à une revalorisation radicale de l’État, dont Schmitt tente ici de démontrer la valeur.
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Aussi réputées, sans doute, que méconnues, les Questions de littérature légale furent publiées anonymement en 1812, puis rééditées seize ans plus tard, sous une forme " considérablement augmentée ", par le désormais Bibliothécaire du Roi à l’Arsenal. Prisées des gens du livre au XIXe siècle, elles constituent encore de nos jours une référence dans tous les travaux critiques concernant le pastiche, le plagiat, les supercheries littéraires et autres doctes bagatelles. Or la " bavarderie bibliologique ", comme toujours chez Nodier, ne donne pas seulement lieu à des analyses aussi piquantes que sagaces de l’imitation, de l’emprunt, des procédés stylistiques ou de la figure de l’auteur ; par le biais d’une poétique dissuasive qui invoque " l’attention des gouvernements et la prévoyance des lois ", et tout en appelant de ses vœux une morale publique qui contraigne chaque écrivain à se montrer vertueux, le facétieux érudit n’en compose pas moins un manuel pratique de falsification textuelle. Richement annotée, la présente édition fait justice à cette œuvre depuis longtemps indisponible, dont l’érudition volontiers ironique et allusive rend la lecture captivante comme celle d’un conte romantique.
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Cet ouvrage collectif important rassemble des travaux issus des recherches récentes sur l’histoire du Crédit Lyonnais. Il comprend 41 contributions, divisées en cinq parties: l’entreprise Crédit Lyonnais en elle-même, à travers ses hommes, ses structures, ses métiers, ses relations sociales et conflits du travail; le financement de l’économie; l’internationalisation de la banque, des agences de l’Empire Ottoman et d’Egypte à celles de Londres et de Genève; les rapports du Crédit Lyonnais avec son environnement (concurrence, marché financier, Etat, presse); enfin les réactions de la banque face aux épreuves de l’histoire, avec notamment une étude pionnière sur une banque sous l’Occupation. Ce recueil restitue ainsi l’image d’une banque à la personnalité marquée et toutefois représentative du système bancaire français des années 1860 aux années 1980, en associant, dans un fécond mouvement entre histoire et mémoire, des articles d’universitaires à des témoignages d’anciens acteurs de la vie de l’établissement.
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